Le Devoir (Canada)
C’est la mort du joint, et rien de moins. Le Canada a légalisé et même étatisé la vente du cannabis récréatif cette semaine, et la professeure de criminologie Line Beauchesne, grande spécialiste des politiques en matière de drogue, prédit déjà que cette révolution assez unique au monde annonce l’agonie prochaine des pétards roulés.
« Je dirais que le joint va devenir une forme minoritaire de consommation d’ici quelques années, disons d’ici quatre ou cinq ans », dit la professeure interviewée jeudi, au lendemain de l’entrée en vigueur de la vente et de la consommation légales de la marijuana au pays.
« La fumée est nocive pour la santé. À moyen terme, la consommation va s’orienter vers des produits comme l’huile, les gélules, les pilules, les vaporisateurs. Le marché noir fait disparaître les produits plus sécuritaires et moins rentables. La légalisation donne la chance d’exploiter tout le potentiel d’un produit. »
La projection rationnelle s’appuie sur des exemples passés. Pendant la prohibition de l’alcool, les contrebandiers produisaient de la gnole bas de gamme, du tord-boyaux vite fait, mal fait. La légalisation a permis de rendre accessibles à tous, partout, une infinité de bouteilles et de canettes remplies d’une boisson de qualité, de la bière à 0,5 % d’alcool jusqu’aux champagnes les plus raffinés.
La légalisation de la fumette réjouit la professeure titulaire de l’Université d’Ottawa. « Sommes-nous bien partis ? Moi, je trouve que oui », indique Mme Beauchesne.
Elle-même milite dans les mouvements antiprohibitionnistes nationaux et internationaux depuis des décennies, une option rationnellement fondée. Elle a beaucoup publié sur le sujet. Elle a fait paraître Les coûts cachés de la prohibition en 2006. Elle vient tout juste de publier Les drogues. Enjeux actuels et réflexions nouvelles sur leur régulation (Bayard Canada). L’ouvrage présente les transformations des politiques nationales et internationales en matière de contrôle des drogues, mais aussi les nouvelles manières envisageables de réguler notre rapport à la consommation de certains produits toujours illicites.